126. Psy 1

Il est dix-sept heures, nous sommes à Paris, à deux pas de la gare Montparnasse. Vincent, un étudiant d’une vingtaine d’années a rendez-vous pour la première fois avec une psychiatre. Il y a quelque jours, rongé par l’angoisse, il avait décidé de sauté le pas et d’aller consulter. Le voilà dans les escaliers en colimaçons qui le mène au cabinet. Dans la salle d’attente, une jeune femme est assise à feuilleter un magazine. Elle sort brièvement de sa lecture pour répondre d’un mouvement de tête à son bonjour timide. À peine assis, il se dit qu’il est temps de repartir, que finalement c’est inutile de venir ici, que ça allait beaucoup mieux, que si on allait voir un psy à chaque fois qu’on avait un coup de cafard, on en finirait pas. Il commence à se plaindre du fait qu’il se plaint.  Ça lui rappelle son enfance, ce sentiment d’être une « petite nature », toujours à pleurnicher, un Caluméro comme l’appelaient ses frères et ses sœurs en se moquant de lui. Une dame se présente dans l’encadrure de la porte. Elle doit avoir une cinquantaine d’années, elle est petite, tailleur et veste assortie, style « bon chic, bon genre ». De sa voix fluette, elle l’appelle par son nom, en le faisant précédé d’un « Monsieur » qui confère à ce moment une gravité supplémentaire pour lui. Il est surpris car il s’attendait à ce que ce soit la jeune femme qui était arrivée  dans la salle d’attente avant lui qui soit appelée à suivre la petite bourgeoise tirée à quatre épingle. Il ramasse rapidement ses affaires et la suit dans une petite pièce à la moquette rouge. Elle le fait passer devant elle au moment de franchir le seuil de la porte en lui indiquant en face, au fond de la pièce, un fauteuil de style ancien à l’allure très confortable. Il s’approche du fauteuil mais renonce à s’assoir, décidé à repartir. Un peu embarrassé, il lui dit;

– Hum… En faite, je suis désolé de vous avoir fait perdre votre temps mais je pense que je n’ai rien à faire ici, c’est que j’ai eu un coup de cafard il y a quinze jours mais ça va beaucoup mieux.

– Maintenant que vous êtes là, je vous en prie, asseyez-vous.

Elle lui montre de nouveau le fauteuil vide. Vincent finit par se laisser convaincre et s’assoit mais sur le devant de l’assise, prêt à se tirer de là au plus vite.

Elle s’assoit à son tour, en face de lui, à côté de la porte d’entrée dans fauteuil jumeau au sien. Il s’attends à ce qu’elle dise quelque chose mais elle ne dit rien, alors il embraye de nouveau pour la convaincre de l’inutilité de sa présence en ce lieu. Il repense à la jeune femme dans la salle d’attente qui était arrivée très en avance à son rendez-vous;

– Non mais vraiment, c’est pas la peine, il y a tant d’autres personnes qui auraient besoin d’être  ici et à qui je prends la place, pour rien…

Vincent la regarde alors droit dans les yeux, chose qu’il n’avait encore jamais faite jusqu’à présent, lui lançant simplement quelques regards furtifs.

Elle soutient son regard fixement, l’échange dure quelques longues secondes, le temps d’évaluer ce que l’autre avait dans le ventre.

14 réflexions sur “126. Psy 1

    1. Je ne connaissais pas cette expression, elle est très appropriée en la circonstance. Moi aussi, je suis suspendu, et c’est très plaisant, j’attends la suite avec impatience mais avant il faudra en passer par les huîtres et le fois gras, pas désagréable non plus. Ah, je vois que Le Doc a mis des vidéos du cercle des poètes disparus… Je n’aime pas ce film, j’ai fait d’ailleurs un commentaire sur la poésie phare du film sur BWSTW dans lequel j’explique pourquoi. Dès que j’ai cinq minutes je vais lui expliquer ma manière de penser à l’ancien officier santé du contingent ! Smiley. 😉

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    1. Désolé, c’est qu’en entamant la suite de psy 1, m’est revenu comme un flash ce détail du tableau de Van Gogh qui m’avait fait un effet terrible, et que je n’ai toujours pas retrouvé, mais Soulages m’a bien aidé à retrouver ma sensation originelle. Je vais tenté de m’y remettre aujourd’hui histoire que la pulsion de vie l’emporte.

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