128. Psy 2

Suite du 126.

Elle interrompt le silence en lui demandant,

– Que c’est-il passé il y a quinze jours pour que vous ayez ce « coup de cafard » ?

– Non mais c’est rien, c’est juste que nous étions chez mes parents avec mes frères et sœurs et ma mère nous expliquait l’origine de nos prénoms, et à mon sujet, elle s’est exclamée, « Vincent, c’est Saint Vincent de Paul! ». Je le savais déjà que c’était en référence à ce Saint qu’elle m’avait prénommé ainsi mais je ne sais pas pourquoi, ça m’a fait flipper, ça m’a fait le même effet que quand on tourne sur soi-même à toute vitesse, une impression de déséquilibre et que quoi qu’on fasse pour retrouver une stabilité, c’est vain. Mais c’est fini maintenant, ça va mieux.

L’étudiant ponctue sa phrase d’un sourire qui se veut rassurant et se met en position d’éjection du fauteuil, les mains sur les accoudoirs. S’ensuit de nouveau un échange de regards inquisiteurs et prolongés. L’expression du visage de la psy est empreinte d’une grande gravité, ce qui a pour effet de rassurer le jeune homme parce qu’il sent qu’en dépit de tous les efforts qu’il fait pour masquer son état psychologique réel, elle en perçoit le caractère chaotique. En effet, s’il est venu la voir, c’est que le tournis ne s’était pas arrêté mais qu’au contraire il prenait de plus en plus d’ampleur, faisant valdinguer tout autour de lui. Depuis ce repas familial, il n’était pas retourné en cours, il avait rompu avec sa copine et passait la plupart de son temps dans sa chambre à s’abrutir avec de l’alcool et des cigarettes, il envisageait de mettre fin à ses jours. La gravité du regard de la psy lui laissait penser qu’elle avait deviné tout ça et il pensait que l’ayant deviné, elle pourrait le sortir de ce tourbillon infernal, c’est pourquoi, quand à la fin de l’entretien, elle lui a proposé une date pour une nouvelle entrevue, il n’a pas cherché à s’esquiver, bien au contraire. Lui qui hésitait il y a un peu plus d’une demi-heure à honorer son rendez-vous, lui qui avait été sur les « starting-blocks » le plus clair de la rencontre, le voilà installé au fond du fauteuil et c’est elle qui se lève la première et lui tend la main pour lui signifier qu’il devait quitter la place. Il se lève et lui tend la main à son tour. En la lui serrant, avec un sourire généreux, la psy lui rappelle la date et l’heure du rendez-vous qu’ils venaient de convenir ensemble et qu’elle venait de noter dans son agenda.

En sortant du cabinet, le jeune homme se trompe de porte, plutôt que de prendre celle de la sortie, il ouvre celle de la salle d’attente. La jeune fille est encore là. Elle lève les yeux vers l’étourdi tout en s’apprêtant à se lever croyant que c’était la psy qui venait la chercher, elle est déçue, il s’excuse;

– Oh! Pardon…

Puis il repart dans la bonne direction, léger, il dévale les escaliers. Dehors, Il fait nuit, l’air est frais, il ferme son blouson, allume une cigarette sur laquelle il tire de grandes bouffées. Il décide de ne pas regagner sa piaule lugubre, sale et en vrac mais d’arpenter au hasard les rues de la ville. En marchant, une chanson de Serge Gainsbourg lui vient en tête, il la fredonne;

Je suis venu te dire que je m’en vais,
Et tes larmes n’y pourront rien changer
Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais
Je suis venu te dire que je m’en vais…

À suivre…

Posté dans Psy

11 réflexions sur “128. Psy 2

  1. Ce que j’apprécie, c’est d’ignorer où va le récit. C’est simultanément plaisant et frustrant 🙂 A la fin de Psy 1, déjà je ne pouvais anticiper sur la suite et là, ma perplexité redouble. Par exemple, Saint Vincent de Paul est une belle figure altruiste, quelle malédiction y aurait-il à avoir reçu son prénom?????

    « Le cafard est universel. Même les poux doivent le connaître. Aucun moyen de s’en prémunir. » Cioran (évidemment)

    J’aime

    1. Doc, Cliffhanger ou Haflinger!!!!!!!!!!!!! Merci!!
      J’en pleure presque de rire. Excellentissime! Et cette présentation grotesque du cheval ténébreux à la crinière permanentée sur fond de musique wagnéro-blockbusterienne, c’est irrésistible. Et dans l’extrait un, le moment où le cheval marche en arrière!!!!
      Ca fait un moment que je me demande si votre humour se situe au second degré ou au troisième, là j’hésite entre le 36 ou le 37e degré!

      J’aime

  2. Ok, Marie,…… Merci de votre complaisance, entre 36 et 37°!….!!
    Dans ma LOge, Nous n’en connaissons que 33 .. de degrés !! , …!!
    Pour les Fêtes, C’est Justement contre ce Grand Moment d’Hypocrisie,….!!

    ❤ Bisous,………..
    Et Joyeuses Fêtes "A Tutti ",

    J.P.:

    J’aime

Laisser un commentaire