Je me souviens du suivi de rééducation d’Emma THIESSE, une petite fille polyhandicapée.
Elle venait de rentrer au domicile familial après quasiment une année passée dans un service de réanimation néonatale quand son père m’a ouvert la porte de sa maison pour la première fois. Emma était dans le hall d’entrée, toute malingre, blottie dans les bras de sa mère. Après les politesses d’usage à l’intention de ses parents, je suis allé vers elle, j’ai accroché son regard, je lui ai souri et lui ai parlé, je savais cependant qu’elle ne m’entendait pas du fait de sa surdité. Elle s’est montrée tout de suite avenante, répondant à mes sollicitations par un large sourire, chose inhabituelle selon ses parents car ils ne la connaissaient jusqu’alors que dans la crainte des personnes étrangères, susceptibles de lui prodiguer des soins douloureux comme elle en avait si souvent (le creux de ses coudes étaient recouverts de petits trous, des cicatrices qu’avaient laissées ses prises de sang et autres perfusions, elle en avait aussi sur les pieds).
J’étais content de la voir, je pense qu’elle s’en est aperçue. Le suivi a duré cinq ans, jusqu’à ce qu’elle ne meurt, et pendant cinq ans, hormis les périodes d’hospitalisation et de vacances, une fois par semaine, le vendredi à onze heures, je la retrouvais riant silencieusement, contente du moment que nous allions passer.
En cinq ans de travail acharné, elle est tout juste parvenue à diriger son bras sur une dizaine de centimètres, et à refermer sa main sur une cordelette, puis à tirer dessus. J’ai su assez rapidement que je ne pourrai obtenir guère plus d’elle sur le plan de sa motricité, du fait de ses importantes séquelles neurologiques.
Le bonheur qu’elle avait quand après plusieurs minutes d’efforts surhumains, elle finissait par réussir à refermer ses petits doigts frêles sur la cordelette et à la tirer rageusement vers elle… Oh ! Si vous saviez ce qu’il y avait à ce moment-là dans ses yeux de fierté, de présence au monde !
Les séances duraient une heure environ, elle les terminait en nage, épuisée mais heureuse, conquérante tout à la fois de l’inutile et de l’essentiel. Vivante.
Elle s’est battue pour vivre avec une volonté incroyable Elle m’a donné une leçon de vie. Elle me porte dans mes épreuves.
Le père d’Emma a publié un livre passionnant et bouleversant qui raconte l’histoire d’Emma, il vient d’être réédité à MAREUIL Éditions, les droits d’auteur sont versés à l’association pour laquelle j’ai travaillé.

🙂 Et ma joie est là 🙂
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Témoignage éloquent et fort. Un bien beau métier, non seulement indispensable mais vital, quand il est pratiqué avec autant de dévotion (ce qui n’est pas, hélas, toujours le cas…)
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C’est très dur.
T’es quand même courageux, fort… pour ne pas craquer.
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On sent beaucoup d’amour dans les soins que vous avez apporté à cette petite Emma, cela a sans doute adouci les meurtrisssures subit lors de ses séjours à l’hôpital, j’envoie toujours de douces pensées volantes à Emma
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L’amour, l’inutile et l’essentiel.
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