dans la maison des mots, tu t’obliges
à demeurer en cette souplesse
de la pensée à peine ondoyante,
et paisible, là où tu inventes,
à fleur de sentiment pour que naisse
tout le contraire d’un homme-lige
Nicolas Gille, in Un ciel simple
J’aime cette poésie.
dans la maison des mots, tu t’obliges
à demeurer en cette souplesse
de la pensée à peine ondoyante,
et paisible,..
Oui, le sentiment de sécurité que l’on ressent quand on écrit, quelque chose de paisible, un refuge, un cocon. Dans une interview, Henri Thomas parle d’un « berceau d’écriture »;
« Quelques fois je me dis comme c’est rassurant d’avoir écris, c’est la seule chose, enfin c’est le seul berceau dans lequel on peut se remettre, parce que tous les berceaux sont perdus, il n’y en a plus qu’un, si on l’a, c’est un berceau d’écriture, on se recouche dedans, il est tout sale, tout crasseux, tout mélangé mais c’est le berceau de l’écriture. Quelque fois j’ai pensé à ça, je me suis dit, si il m’arrive de mourir, on ne sais jamais, et bien je voudrais me coucher dans mon berceau d’écriture. »
https://misquette.wordpress.com/2014/09/15/quarante-huit/
Oui, la pensée qu’on laisse dériver au grès du courant, ne s’attacher à rien, « ni ceci, ni cela » dirait Saint Jean de la Croix, laisser la pensée nous guider. Une expression résume cet état de l’esprit, « Regarder les mouches voler ».
…, là où tu inventes,
à fleur de sentiment pour que naisse
tout le contraire d’un homme-lige
Oui, regarder les mouches voler nous mène à être plus réceptif à nos émotions, à laissé advenir notre inconscient, les barrages s’effondrent au fur et à mesure que l’on s’élève dans la solitude de l’écriture. De cette réceptivité accrue, des mots arrivent dans notre esprit et certains sont plus inattendus que d’autres. Des mots clefs. Tiens, justement, le mot que je viens d’écrire « clef » est un mot clef. Je ne m’attendait pas à le voir venir. Je viens de me demander ce qu’une clef avait à voir là-dedans et je réalise pour mon plus grand bonheur qu’il dit à merveille ce que je cherche à exprimer; ces mots inattendus sont des mots qui ouvrent des portes, qui libèrent la pensée, SA pensée. Ce mouvement de libération, on peut l’éprouver en lisant les mots des autres, c’est même le moteur de nos lectures, quand nous ne lisons pas pour nous changer les idées, mais pour les faire émerger. Je partage l’avis de Jean-Claude Pirotte, quand ce sont nos propres mots qui nous libèrent c’est d’autant plus jouissif;
«Écrire pour moi, pour l’unique plaisir de voir se former les mots sous ma main, de découvrir des vocables que je croyais ignorer, des tours de phrase inédits, des surprises. Il va de soi que consciemment ou non je puisais dans mes lectures à l’improviste, inspiré par une mémoire confuse, et le dictionnaire devait m’apprendre le sens réel du mot dont je m’étais servi. C’était un bonheur de se procurer son propre étonnement.»
Jean-Claude Pirotte, Brouillard.
Jean-Claude Pirotte, tous le contraire d’un homme-lige, un homme libre.