Les poux, la tique et la chatte

Peinture d'Arthur Hacker (1858-1919)
Peinture d’Arthur Hacker (1858-1919)

Plusieurs poux ont trouvé un bon amusement
Sur la tête blonde d’une petite fille
Les parasites redoutés font la chenille
En descendant sur ses longs cheveux-toboggans

Une tique aimerait beaucoup en faire autant
Elle sollicite l’accord des joyeux drilles
Qui intègrent leur cousine dans l’escadrille
A la condition qu’elle se mette devant

La nouvelle s’installe à la première place
Les fourbes poussent et l’éjectent de la tignasse
Pour ne plus avoir à partager leur repas

Par chance elle tombe sur une tendre chatte
Autre raison de dire merci aux pirates ;
Le soir même un insecticide les tua

Le grand mystère

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Petit à petit l’oiseau fait son nid
Construction d’une très grande importance
C’est là que va grandir sa descendance
A son tour elle en fera un aussi

De même l’être humain se reproduit
Mais est seul à avoir une conscience
L’homme cherche le sens de l’existence
Un questionnement qu’il n’a pas choisi

Besoin d’une nature particulière
Qui n’a pas été fait pour lui déplaire
Du mystère se nourrit son désir

Aussi le chérit-il comme personne
Le nom de Dieu bien souvent il lui donne
Certains disent l’aimer à en mourir

Partout et même ailleurs

Robert Gonsalves_peintures-illusions-optiques-2
Peinture de Robert Gonsalves

Aujourd’hui au travail, à la fin d’une sortie à vélo sur des chemins parfois boueux, je félicite un jeune handicapé mental qui a réussit à suivre le groupe malgré qu’il soit peu expérimenté ;

  • Ah ben toi, je peux t’emmener partout maintenant !

Il me répond très sérieusement ;

  • Ouais partout… et même ailleurs !

La muse amuse

 

« …effleurement subtil et balbutiant… »*
Ce vers repose sur dix pieds à peine
L’alexandrin est plus de mon domaine
Mais il me convient sans prolongement

Son auteur décrit ainsi le moment
Où un mot fit une incursion soudaine
(Pour couronner une de ses rengaines)
Dans son esprit pris d’émerveillement

Quelqu’un lui a murmuré à l’oreille
Un être de nature immatérielle
Affublé du nom de muse parfois

La sentir est la quête du poète
Sa présence est synonyme de fête
Suave caresse, océan de joie

*Voir les commentaires du poème « Sauve solitude »

http://heraldie.blogspot.fr/2016/01/sauve-solitude.html

Des larmes de crocodile

Un chasseur voit un gros caïman au bord du Nil
Il croit qu’ayant bien mangé la bête somnole
A ses cotés gisent les os d’une bestiole
Restes d’un déjeuner de l’amphibien goupil

L’homme au fusil s’approche ignorant le péril
Le reptile jaillit et chope ses guiboles
Réalise sur lui-même des cabrioles
Exactement comme roulerait un baril

Emprisonné dans la terrifiante mâchoire
L’imprudent raconte une déchirante histoire
Le crocodile éploré lâche ses cuisseaux

Libéré le tireur prend sa gueule pour cible
Il est chanceux que ce spécimen soit sensible
Sans quoi ça serait lui qui aurait eu sa peau !

Publicité

enfant-mort.jpg

Peinture du 17e siècle

 

Je vais annoncer tout de suite la couleur,
Ce sonnet est un poème publicitaire.
Il vous en fera lire un autre, je l’espère,
Qui vous procurera sans doute du bonheur.

Si je m’évertue à être son souteneur,
C’est qu’il est long et qu’il finit au cimetière.
Une troisième chose pourrait vous déplaire,
Une grenouille de bénitier en est l’auteur.

Prenez de la hauteur si cela vous embête,
À ce niveau ne s’arrête pas un esthète ;
La beauté est sa seule préoccupation.

Pour sa longueur et vos larmes éventuelles,
Les toilettes offrent temps et papier à la pelle,
Attention cependant à la suffocation !

.

CORTEGE POUR L’ENFANT MORT

L’enfant frêle qui m’était né,
Tantot nous l’avons promené

L’avons sorti de la maison
Au gai soleil de la saison ;

L’avons conduit en mai nouveau,
Le long des champs joyeux et beaux

Au bourg avec tous nos amis,
L’avons porté tout endormi…

Mais en vain le long du chemin
Ont sonné les cloches, en vain,

Tant il était ensommeillé,
Tant qu’il ne s’est pas réveillé,

Au milieu des gens amassés,
Quand sur la place il a passé.

D’autres que moi, cet aujourd’hui,
A l’église ont pris soin de lui.

C’est le bedeau qui l’a bordé
Dans son drap blanc d’argent brodé.

C’est le curé qui l’a chanté
Avec ses chantres à coté

C’est le dernier qui l’a touché,
Le fossoyeur qui l’a couché

Dans un berceau très creux, très bas,
Pour que le vent n’y souffle pas

Et jeté la terre sur lui
Pour le couvrir pendant la nuit

Pour lui ce que chacun pouvait,
Tant qu’il a pu, chacun l’a fait

Pour le bercer, le bénir bien
Et le cacher au mal qui vient.

Chacun l’a fait… Et maintenant
Chacun le laisse au mal venant

Allez-vous en ! Allez-vous en !
La sombre heure arrive à présent.

Le soir tombe, allez ! partez tous !
Vos petits ont besoin de vous.

Rentrez chez vous et grand merci !…
Mais il faut que je reste ici.

Avec le mien j’attends le soir,
J’attends le froid, j’attends le noir.

Car j’ai peur que ce lit profond
Ne soit pas sûr, ne soit pas bon.

Et j’attends dans l’ombre, j’attends
Pour savoir… s’il pleure dedans…

Seigneur vous êtes Dieu, moi rien
Je le dis bien, je le sais bien

C’est votre droit de tout puissant
De m’ôter la chair et le sang

C’est votre droit d’avoir raison
Dans le malheur de ma maison

Votre droit, Ô vous le plus fort
De condamner nos fils à mort

Vous êtes Dieu, vous êtes bon
Vous l’êtes mais mon sang dis non

Vous l’êtes, pour le dire mieux
Je le dis en fermant les yeux

Je le dis, mais si loin, si bas
Que mon âme ne m’entends pas

Je le dis, mais le coeur que j’eu
Pour y croire je ne l’ai plus

Les mains que je fiais à vous
Quelqu’un me les trancha d’un coup

Les yeux que je tenais levé
Vers vous, quelqu’un les a crevé

Si c’est un homme qui m’a fait
Tant de mal, tant, et dors en paix

Si c’est un homme, sous ses coups
J’irai chercher asile en vous

Et vous me vengerez Dieu saint
Si c’est un homme, un assassin

Si c’est vous que dirais-je ? Rien,
En vous seigneur le mal est bien.

Ô vous par qui la vie est peine
Et mal, et mort, je crois très bas
À la bonté haute, inhumaine,
Terrible, qu’on ne comprend pas

Poème de Marie-Noël, poétesse d’Auxerre décédée en 1967 – extrait de son « Office pour l’enfant mort » aux Editions Stock

Il se peut qu’il y ai quelques erreurs dans le texte car j’ai recopié sa seconde partie qui s’arrête dans les retranscriptions sur internet à « Pour savoir…s’il pleure dedans… », à partir d’un superbe enregistrement de Madeleine Robinson que vous retrouverez à partir 9’21 ici.

http://www.ina.fr/video/CPF08008601/marie-noel-video.html

Une publicité (Une vrai !) précède sa diffusion, soyez patient, ça en vaut vraiment la peine, vous ne le regretterez pas. Profitez de cet écran publicitaire pour faire une pause pipi !

Un canard gourmand

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Un canard joue souvent au pauvre misérable,
Pour que la fermière lui augmente sa part.
La basse-cour lassée délaisse le lascar
Comme il trouve la solitude insupportable,

Il va élire domicile dans l’étable.
Ses anciens acolytes approuvent son départ
La femme s’apitoie de sa mise à l’écart,
Aussi lui trouve-t-elle une place à sa table.

Le paria devient de la ferme le pacha
Les paysans le surnomment Gargantua
Tant du matin au soir sans s’arrêter il mange

Dorénavant il nargue ses ex-compagnons
Eux s’en moquent du gros parce qu’au réveillon
C’est lui qui sera servi avec des oranges

L’élégance et la vulgarité

élégance et vulgarité

Deux bourgeoises boivent un thé à une terrasse
Une fille genre punk, décolleté plongeant,
Jupe courte, porte-jaretelles apparents
Rangers, piercing, crâne rasé, tatouée, passe

L’une dédaigneuse y voit un manque de classe;
« Comment peut-on porter un tel accoutrement ? »
La passante l’entend et répond méchamment
« Pour ne pas ressembler à certaines pétasses ! »

« Faute d’être jolie soyez au moins polie ! »
Lui renvoie son interlocutrice en furie
« Ferme donc ta grande gueule !» l’autre relance

Cette petite histoire vient le confirmer;
L’élégance déteste la vulgarité
Et la vulgarité deteste l’élégance*

* »La vulgarité déteste l’élégance, comme l’élégance déteste la vulgarité. »
Jean Cocteau ; Le passé défini (posthume, 1983)

La Méduse et le Renard

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Un renard traqué par une meute de chien
Se retrouve coincé au fond d’une calanque
Alors qu’il s’ingénie à trouver une planque,
Une méduse échouée propose soudain;

« Ecoute, toi et moi sommes dans le pétrin,
Mais chacun dispose de ce qu’à l’autre il manque,
Monte donc sur ce radeau fait d’une palanque
Après que tu m’aies réintroduit dans mon bain ».

L’animal roux sentant les molosses à ses trousses,
Donne à la boulette gluante un coup de pouce
Et nage jusqu’à atteindre les bouts de bois.

Dans l’eau ses poursuivants ressentent des brûlures,
Médusés les voilà à leur tour aux abois
Il faut s’entr’aider, c’est la loi de la nature*

Composition marc Sinninger, Héraldie.
Composition marc Sinniger, Héraldie.

*Jean de la Fontaine, L’âne et le Chien

Merci à Guillaume Siaudeau pour la photo que j’ai trouvée sur son beau blog de poésie;

lamedusetlerenard.blogspot.fr