La porte de l’enfer

Je viens de découvrir l’oeuvre de Julien Gracq avec la lecture du « rivage des Syrthes ». Il écrit magnifiquement, pour parapharaser Joseph Joubert, chaque phraze est pour ainsi dire teinte et légèrement imbibée, mais surtout il m’a fait réaliser que la guerre peut-être pour les hommes une activité distrayante. Dans ce livre il est question du commandant d’un navire de guerre qui prend unilatéralement la décision de franchir la frontière entre son pays et le pays voisin au risque de déclencher un conflit. Voilà ce qu’il éprouve à ce moment ;

« Le bateau filait à bon train sur une mer apaisée ; la brume s’élevait en flocons et promettait une journée de beau temps. Il me semblait que nous venions de pousser une de ces portes qu’on franchit en rêve. Le sentiment suffocant d’une allégresse perdue depuis l’enfance s’emparait de moi ; l’horizon devant nous, se déchirait en gloire ; comme pris dans le fil d’un fleuve sans bords, il me semblait que maintenant tout entier j’étais remis – une liberté, une simplicité miraculeuse lavait le monde ; je voyais le matin naître pour la première fois. »

Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, 1951

Dans un autre de ses livres, En lisant en écrivant, Julien Gracq, écrit :

Joachim Fest : Hitler. Le seul mot vraiment expressif (mais il l’est !) qu’il cite du Führer est celui qu’il a prononcé en 1941, à la veille de l’invasion de la Russie : « Il me semble que je vais pousser une porte sur un pièce obscure et encore jamais vue, sans savoir ce que je vais trouver derrière. »

La montée de l’orage

« La lecture des deux tomes compacts du livre de Joachim Fest* sur Hitler ressuscite tout à coup si brutalement l’ancien cauchemar que je n’ai pu me résoudre à sortir ce soir pour aller au théâtre, comme j’en étais convenu ; je suis resté rencoigné chez moi, l’esprit flasque et frileux comme un linge mouillé, le cerveau assiégé du volètement des larves et des lémures. J’avais vingt ans quand l’ombre d’un mancenillier commença de s’allonger sur nous, c’est cette année là que le nazisme explosa et projeta d’un coup cent-dix députés au Reichtag. La signification du fait – c’est bien rare – fut comprise et évaluée sur le champ, et son aura immédiatement perceptible à presque tout le monde. La montée de l’orage dura des années, un orage si intolérablement lent à crever, tellement pesant, tellement livide à la fois et tellement sombre, que les cervelles s’hébétaient animalement et qu’on pressentait qu’une telle nue d’apocalypse ne pouvait plus se résoudre en grêle, mais seulement en pluie de sang et en pluie de crapauds. »

Julien Gracq, En lisant et en écrivant

*Joachim Fest, historien et journaliste allemand. Parmi ses ouvrages: Le Führer, Histoire de la résistance allemande, Les derniers jours d’Hitler

Le fascisme

Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d’un idéal collectif suprême. À la fois révolutionnaire et conservateur, il s’oppose frontalement à la démocratie parlementaire et à l’État libéral garant des droits individuels. Issu de diverses composantes de la philosophie européenne du xixe siècle, le fascisme a trouvé dans les circonstances économiques et historiques de l’après-première guerre mondiale le contexte qui lui a permis d’accéder au pouvoir, d’abord en Italie dans les années 1920 avec Mussolini, puis sous une variante accentuée, militariste et terroriste, en Allemagne dans les années 1930 avec le nazisme et Hitler.

Le terme fascisme (prononcé [fa.ʃism], calque de la prononciation italienne [faˈʃizmo] ; ou plus rarement [fa.sism]) s’applique au sens étroit à la période mussolinienne de l’histoire italienne et au sens large à un système politique aux caractéristiques inspirées par l’exemple italien mais qui a pu prendre des aspects différents selon les pays. Des débats existent entre les historiens quant à la qualification de certains régimes (France de Vichy, Espagne franquiste…). La différence entre fascisme et totalitarisme fait l’objet de nombreux débats.

Niant l’individu et la démocratie au nom de la masse incarnée dans un chef providentiel, le fascisme embrigade les groupes sociaux (jeunesse, milices) et justifie la violence d’État menée contre les opposants assimilés à des ennemis intérieurs, l’unité de la nation devant dépasser et résoudre les antagonismes des classes sociales dans un parti unique. Dans le domaine économique, l’état conduit une politique dirigiste mais maintient la propriété privée et capitaliste.

En même temps, il rejette la notion d’égalité au nom d’un ordre hiérarchique naturel : il définit un « homme nouveau », un idéal de pureté nationale et raciale qui nourrit en particulier l’antisémitisme, l’homophobie, l’exclusion des personnes atteintes d’un handicap et exalte les corps régénérés ainsi que les vertus de la terre, du sang et de la tradition, tout comme il affirme une hiérarchie entre les peuples forts et les peuples faibles qui doivent être soumis. De façon générale, le fascisme exalte la force et s’appuie sur les valeurs traditionnelles de la masculinité, reléguant les femmes dans leur rôle maternel. Il célèbre dans cet esprit les vertus guerrières en développant une esthétique héroïque et grandiose.

Révélateur d’une crise de la modernité et luttant contre le sentiment de décadence de la civilisation, le fascisme s’appuie aussi sur la mystique romantique du passé et sur l’émotion collective qu’il met en scène dans la théâtralité dynamique d’une religion civile (culte du chef, uniformes, rassemblements, propagande) et suscite ainsi une fascination idéologique et esthétique avérée.

Dans son acception la plus large, le terme est employé pour disqualifier l’ennemi politique (par exemple par les Soviétiques durant la Guerre froide ou certains partis politiques sur l’échiquier politique dans les démocraties libérales), cependant, le fascisme est encore revendiqué par certaines mouvances d’extrême droite (les néofascistes).

Source Wikipédia

Un espèce de courant étrange…

– Julien Gracq, je voudrais que nous parlions maintenant du Rivage des Syrthes qui est le troisième roman paru de vous, et qui vous a valu un prix Goncourt que vous avez refusé et je voudrais parler de ce livre parce que pour la première fois, peut-être, dans ce livre, apparaissent des considérations historiques, les deux autres livres étaient beaucoup plus déchargés de tout contexte :

– L’histoire c’est mon métier, je l’enseigne, c’est une chose qui m’intéresse beaucoup et c’est assez normal que ces préoccupations qui sont assez professionnelles et puis qui sont aussi une question de goût, d’inclination, soient apparues dans un livre. C’est plutôt le sentiment de l’histoire, en fait, je dirais, qui joue un rôle important plutôt que l’histoire, car bien que le livre soit plongé dans l’histoire, à mon sens, il n’est pas daté, il ne se situe pas à une époque précise. C’était plutôt, je dirais, un fragment d’histoire désincarné, les mots ne s’accouplent pas très facilement, histoire et désincarné, et pourtant c’est un peu ça et où cependant j’aurais aimé qu’il ressorte une espèce de sentiment fondamental de l’écoulement de l’histoire ou plutôt de la direction. À cette époque Antoine Blondin faisait une chronique de critique dans un hebdomadaire et il avait intitulé son article de manière assez spirituelle et assez juste. Il disait que j’avais voulu faire un imprécis d’histoire et de géographie à l’usage des civilisations rêveuses, c’est assez jolie mais c’est assez juste. Il s’agissait, oui, d’un fragment un peu désincarné mais à travers lequel on pouvait lire tout de même, un peu, si vous voulez, comme à travers une grille, comme ça, quantités d’événements qui pouvaient apparaître en transparence et au fond, on est tout de même, je crois, très marqué par l’évoque où on a vécu. Mes livres ne sont pas très datés en général mais enfin j’appartiens à mon époque et elle m’influence de toute les façons. Il y a eu certainement une époque qui m’a beaucoup marqué, c’était la fin, pratiquement, de ma jeunesse, entre 23 et 30 ans, disons, qui est l’époque de la montée en somme de la catastrophe hitlerienne, enfin, ça ce situe entre 1933 et 40. Tout de même, j’ai un souvenir extrêmement précis de cette époque et de quelque chose qui était en route. Ce souvenir de la guerre de 39 – 40 et de ce qui a précédé est certainement fondamental dans le projet de ce livre. Il y avait beaucoup de choses qui m’intéressaient aussi en dehors de ce sentiment, enfin de ce sentiment du mouvement vers la catastrophe, il y avait certainement aussi quelque chose qui était perceptible alors entre 33 et 40, c’est l’impression que, si vous voulez, ce mouvement n’est pas fatal, mais assez curieusement, d’une certaine manière tout le monde y collabore à partir d’un certain moment, ceux qui sont pour et ceux qui au fond auraient toute les raisons en fait de s’y opposer. Si on regarde les choses après coup on s’aperçoit dans cette période d’avant la guerre, qu’au fond, tous les mouvements des adversaires de Hitler ont préparé la voie ouvert le chemin et finalement en somme, se sont conjugués pour faciliter l’arrivée de ces événements. On retrouve ça d’ailleurs dans d’autres périodes. Il y a une phrase de Trotsky, je crois que c’est dans l’Histoire de la révolution russe, qui m’a assez frappé, il parlait des tentatives de l’aristocratie russe juste avant la révolution de 1917 pour essayer de détourner le cours des événements en écartant Nicolas II et Raspoutine et alors il dis je crois à peu près ceci : « Dans une grossesse à partir d’un certain moment l’accouchement n’est pas moins nécessaire pour l’organe maternel que pour son son fruit », je crois, il dit quelque chose de ce genre, et en effet il veut dire par là que les mouvements instinctifs de ces gens qui auraient toutes les raisons de s’opposer à l’événement, finalement, y collaborent et finissent par le hâter. Maintenant alors il est bien évidement que dans le livre, et ça on a pu me le reprocher, mais c’est un reproche que j’encourais délibérément, il n’est pas du tout question de toute les causalités beaucoup plus solides évidement, historiques, économiques et autres qui bien entendu m’apparaissent toujours fondamentales, mais enfin ça n’était pas pour moi le sujet. Le sujet c’était plutôt cet espèce de courant étrange qui pousse à un certain moment une masse humaine vers un événement désiré ou redouté tout aussi bien, à partir du moment où il se produit une certaine accélération, c’est de ça qu’il est souvent question, enfin pour une bonne part, dans le livre.

Stamp by me (suite)

Quand elle était lassée d’écrire son roman,
Elle se promenait jusqu’au cimetière
dans lequel repose des hommes d’Angleterre
Tombés pour la France sous des tirs allemands.

Elle en faisait le tour en marchant lentement
et s’arrêtait toujours en face d’une pierre
sur laquelle est gravée le nom d’un militaire
qui n’avait pas vingt ans lors du débarquement.

Elle le vérifia, arpentant les allées,
Il est le plus jeune de toute cette armée
de soldats reposant loin du pays natal.

Pour son anniversaire elle mis sur sa tombe
Un bouquet de rose du teint qu’ont les colombes,
Alors que les mouettes jouaient leur récital.

Should I stay or should I go

 

Cela fait un moment que je n’ai pas écris,
Je ne m’en suis pas plains car j’ai fait autre chose
De très efficace contre l’humeur morose :
Lire de magnifiques et nombreux manuscrits.

Il me faut l’admettre, j’ai trouvé un abri
dans la littérature, en vers ou en prose.
Si c’est le seul moyen pour soigner ma névrose
je dois m’y consacrer, peu importe le prix.

Changer de profession est osé à mon âge,
Quand on a cinquante ans et qu’on est au chômage,
Le retour vers l’emploi est des plus compliqué.

Mais mieux vaut être pauvre et jouir de la vie
que d’avoir de l’argent tout en manquant d’envie.
Ne pas prendre de risques est parfois très risqué.

Chanter sous les balles

Je vous fais part d’une nouvelle qui vous intéresse directement, d’une grande nouvelle. Ô Poésie, écarte-toi de ton miroir ! Je parle pour les jeunes gens et les hommes de tous âges. Je parle de ce qui m’arrive. Je parle d’un monde absous par sa colère. Et peut-être entendrez-vous cette voix volontairement monocorde, désarçonnée, à bas du cheval dans l’allée, derrière cette grille à triple verrou, derrière cette grille, derrière cette âme, cette voix, ô jeunes gens et vous hommes de tous âges, peut-être entendrez-vous cette voix qui frappe, qui veut entrer, qui frappe, ô jeunes gens, qui frappe comme vous à la porte de son destin et qui chante sous les balles.

René Guy Cadou, Hélène ou le Règne végétal, extrait de la préface.

Un moyen de fuir

Bernard Pivot : Vous avez publié un récit autobiographique « Le pavillon des enfants fous », alors qu’est ce qui c’est passé, à treize ans vous étiez dans cet hôpital psychiatrique ?

Valérie Valère : J’ai pas écrit tout de suite ce livre parce que j’étais complètement perdu, il m’a fallu deux ans pour réaliser qu’il fallait absolument que j’en parle, et après j’ai aussi envoyé mon manuscrit à dix éditeurs.

BP : Les enfants du pavillon fous ?

VV : Oui, et puis j’ai reçu des réponses comme quoi c’était pas publiable, c’était pas bien et finalement, au bout de trois mois, j’ai reçu une lettre qui acceptait avec Stock et le roman après je l’ai donné tout de suite.

BP : Après avoir publié le Pavillon des enfants fous vous vous êtes mis à écrire un roman ?

VV : Oui, mais c’était pas tout de suite Malika, il y a eu d’autres romans mais qui ont été ratés.

BP : D’autres romans avant ?

VV : Oui, non, enfin j’ai écris, mais des choses qui n’étaient pas bonnes…

BP : Vous êtes lycéennes ?

VV : Oui

BP : Vous êtes en qu’elle classe ?

VV : En terminale.

BP ; J’ai vu dans votre biographie que vous avez fait une école de cirque ?

VV : Oui, j’ai fait l’école de cirque avec Annie Fratellini, c’était après avoir été en Hôpital psychiatrique, c’était parce que j’étais tellement perdu, tellement paumé dans ce monde ou je trouvais tout le monde plus fou que dans les hôpitaux psychiatriques, je n’arrivais pas à m’en sortir et le cirque c’était une sorte de fuite, parce que c’est un monde tellement irréel, tellement féérique qu’on se laisse vite prendre par ça, on n’oublie un peu la réalité, c’est un moyen de fuir.

BP : Est-ce que l’écriture est un moyen de fuir ?

VV : Oh oui ! Justement, j’ai découvert que c’était un moyen de fuir nettement plus valable pour moi, beaucoup mieux pour moi que le cirque, par exemple.

BP : Vous êtes aussi comédienne, vous avez joué dans un film (… Ils passent un extrait du film…). Vous voulez devenir comédienne ou bien vous voulez devenir écrivain ou les deux ?

VV : Non, non, je ne veux pas être comédienne, j’ai tourné ce film juste après avoir écrit le pavillon, je m’étais engagé avant alors je l’ai fait, mais le monde de la comédie est un monde qui ne me plait pas tellement parce que c’est très difficile de ne pas se laisser prendre par toute cette féérie aussi, et on n’oublie très vite tout ce qui se passe derrière, et puis une fois qu’on a oublié on se rend compte qu’on est fichu parce qu’on ne peut pas être indifférent à tout ce qui ce passe… On peut pas se préserver dans ce monde-là.

BP : Vous n’avez pas de bonne notes en français au lycée ?

VV : J’ai des notes moyennes, médiocres…

BP : Ah bon !

VV : De toute façon la dissertation française il faut faire des paragraphes, des sous-paragraphes, il faut classer les idées, il faut que tout soit bien clair alors que pour moi rien ne s’explique, pour moi c’est comme ça…

BP : Votre avenir maintenant il est dans l’écriture ?

VV : Ben j’espère… (sourire)

Extrait de l’émission Apostrophe, 27 Avril 1979. Valérie Valère est décédée à l’âge de 21 ans à la suite d’une overdose de médicaments. Un extrait du « Pavillon des enfants fous » et quelques jolies mots de Lola ici.

L’ONU, le machin* à gaz

Grâce aux bombes de
Trump en Syrie, Mélanchon
a tombé le masque.

S’il est élu, les Syriens
n’auront qu’à en porter un.

* » Le machin qu’on appelle l’ONU « , De Gaulle à Nantes, le 10/09/1960.