« La lecture des deux tomes compacts du livre de Joachim Fest* sur Hitler ressuscite tout à coup si brutalement l’ancien cauchemar que je n’ai pu me résoudre à sortir ce soir pour aller au théâtre, comme j’en étais convenu ; je suis resté rencoigné chez moi, l’esprit flasque et frileux comme un linge mouillé, le cerveau assiégé du volètement des larves et des lémures. J’avais vingt ans quand l’ombre d’un mancenillier commença de s’allonger sur nous, c’est cette année là que le nazisme explosa et projeta d’un coup cent-dix députés au Reichtag. La signification du fait – c’est bien rare – fut comprise et évaluée sur le champ, et son aura immédiatement perceptible à presque tout le monde. La montée de l’orage dura des années, un orage si intolérablement lent à crever, tellement pesant, tellement livide à la fois et tellement sombre, que les cervelles s’hébétaient animalement et qu’on pressentait qu’une telle nue d’apocalypse ne pouvait plus se résoudre en grêle, mais seulement en pluie de sang et en pluie de crapauds. »
Julien Gracq, En lisant et en écrivant
*Joachim Fest, historien et journaliste allemand. Parmi ses ouvrages: Le Führer, Histoire de la résistance allemande, Les derniers jours d’Hitler
L’inéluctable montée des flammes, le rouge et le noir qui rongent les bannières, et les oriflammes.
J’aimeAimé par 1 personne
Très à propos, hélas.
J’aimeJ’aime