Mirabelle destrier

Pour l’anniversaire de ses sept fois dix ans,
Thérèse, la voisine, organise une fête.
Parmi les invités beaucoup sont en retraite,
Même ceux vivant loin ont répondu présent.

Mais la plupart d’entre-eux sont d’anciens paysans
Avec qui elle jouait quand elle était fillette
Et qui habitent encore auprès de sa fermette
Où elle leur offre des cafés bienfaisants.

Après avoir trop bu d’un vieux Côte du Rhône,
Elle s’imagine être au sein de Game of Thrones
L’amazone appelée, « La mère des dragons ».

Elle prend un balai en guise de grand glaive
Puis cherche un destrier pour mieux vivre son rêve ;
Mirabelle, à défaut, lui sert de canasson.

René Char en 101 mots

J’ai tendance à penser quand je lis René Char
Qu’il a atteint l’acmé en terme d’écriture,
A l’extrême opposée de sa forte stature
Elle a la finesse d’une queue de lézard.

Aucun des vocables n’est choisi au hasard
Ses poèmes sont sobres, exempts de fioritures ;
A l’instar des femmes de très belle facture
La grande poésie se dispense de fard.

Pendant l’occupation, refusant de se rendre
Il fut résistant sous le nom d’Alexandre,
C’était un capitaine qui allait au combat.

Il était, ce faisant, toujours poète, en somme,
Lui qui considérait le dévouement comme
L’acte poétique le plus puissant qui soit.

Rimbaud en 103 mots

Après avoir écrit des poèmes très beaux
Arthur rangea sa plume en sa vingtième année
Pour aller parcourir de multiples contrées
Dont il est revenu un genoux en lambeaux ;

Il rejoignit Marseille à bord d’un paquebot
provenant du Yémen et dès son arrivée,
Sa jambe étant gâtée, elle fut amputée,
En vain, car le cancer le mena au tombeau.

C’est à trente sept ans que mourut le poète
Qui se considérait un peu comme un prophète
Puisqu’en capacité d’atteindre l’inconnu,

Endroit d’où proviennent toutes ses poésies,
Encore et pour longtemps elles enchantent la vie
De ceux qui comme lui sont en mal d’absolu.

Notre père…

Il me revient souvent un très vieux souvenir,
Puisqu’il doit remonter à ma petite enfance
Alors que j’accuse cinquante ans d’existence,
De l’époque ou maman m’aidait à m’endormir.

Un soir elle m’apprit, juste avant de partir
En embrassant ma tempe, une prière intense,
Bien connue des croyants de chrétienne obédience,
Qui implore leur dieu de venir les régir.

Je me mis à genoux les paumes grandes ouvertes
En direction du ciel et reprenais sans perte
Les phrases que ma mère énonçait doucement.

Puis je me suis enfouis sous une couverture,
Avec le sentiment d’avoir une âme pure,
J’espère que la mort imite ce moment.

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À ma mère, tendrement.