Je me rend compte que ça fait plusieurs fois que j’écris des textes avec pour titre des phrases que j’ai entendues, d’où les guillemets, à la manière d’Esther Luette dont je vous recommande l’excellent blog dans lequel à partir de quelques mots qui ont fait sens dans son esprit, comme diraient les psychanalystes, et qui donc lui servent de titre, laisse dérouler sa pensée. Je n’ai pas la prétention de faire aussi bien qu’elle. C’est une prétention que j’avais avant que d’imiter mes auteurs préférés, c’est la raison pour laquelle l’écriture m’a fuit alors que je réclamais sa présence comme un assoiffé, sans doute. Combien de fois ai-je jeté en rage mes textes à la poubelle ? C’est fini. Grâce à je ne sais pas qui ou quoi, c’est fini. Du moins je l’espère. On est sûr de rien.
En tout les cas aujourd’hui, dans l’après-midi, j’ai su que ce soir, après le boulot, j’allais écrire. J’ai été dans la même impatience d’être ici, devant mon ordinateur que lorsqu’enfant j’attendais fébrilement que vienne le soir les jours où un match de foot était programmé à la télévision ou à la radio. Dans ce dernier cas ça n’était pas un écran d’ordinateur ou une télévision que j’avais avec moi mais un petit transistor que j’écoutais sous ma couette pour ne pas que mes parents sachent que je veillais jusqu’à point d’heure. Non, je ne cherche pas à imiter Esther Luette, elle m’a contaminé de la même manière que je l’ai été par les sonnets de Cochonfusius ou les Tankas d’une autre Esther L…, Esther Ling qui en écrivait, jusqu’il y a peu, de splendides. Elle a un peu disparu de la toile, de temps en temps cependant on voit réapparaître son avatar au bas d’un poème, de plus en plus rarement malheureusement. Dans les premiers temps de mon blog alors que je n’avais que très peu de lecteurs, j’en ai du reste à peine plus au regard de certains bloggeurs, mais j’ai la chance d’avoir des lecteurs de très grande qualité, n’est-ce pas ?, Esther venait lire mes textes tous les jours et apposait presque systématiquement sa figurine, à l’époque le dessin d’un visage d’une jeune femme aux cheveux noirs et aux traits asiatiques, vêtue d’un kimono rose avec en arrière plan un jardin. Ça me faisait du bien qu’elle passe chez moi comme ça, je m’en sentais tout honoré parce que j’appréciais beaucoup ses tankas. Quand on débute dans un domaine, ici l’écriture, c’est très encourageant ce genre de visite. Je ne crois pas que je j’écrive pour ça mais je ne suis pas insensible au fait que l’on témoigne de l’intérêt pour mes écrits. Chacune de mes publications est un peu comme une rencontre avec ceux qui me lisent, un endroit où je les rejoint, où ils me rejoignent. J’avais pensé cet après-midi à faire une introduction avant d’en venir à ce que je voulais vous raconter, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit si longue. Venons-en aux faits :
Cet après-midi donc, au boulot, des collègues bien intentionnées me demande si je continue à tenir mon blog, en l’occurence j’ai plutôt l’impression que c’est lui qui me tient, mais passons, je leur répond que oui, mais que depuis que je leur en avais parlé, il y a de cela au moins un an, voir beaucoup plus, il avait beaucoup évolué. Elles m’ont demandé alors en quoi. « Bonne question », ai-je pensé, et je leur ai répondu que peut-être ce que j’écrivais était plus paisible, moins torturé, ensuite j’ai dit « et puis… » mais les mots ne sont pas venus tout de suite, ils se faisaient attendre quand soudain ils ont jaillis de ma bouche, c’était ces trois-là : «J’ai une vache ». Mes collègues m’ont regardé avec des grands yeux et j’ai pensé qu’elles étaient étonnées que je raconte l’histoire d’une vache, alors j’ai continué, « Oui, j’ai une vache » avec un grand sourire de contentement en pensant à Mirabelle. Une d’entre elles s’est de nouveau étonnée mais cette fois-ci un peu plus ostensiblement, elle avait toujours ses yeux à moitié sorti des orbites mais accompagnés de ces mots : « Une vache !?, tu as une vache !? » et c’est seulement à ce moment-là que j’ai réalisé la confusion qu’avait pu faire naître ma phrase ; elles pensaient que j’avais une vache en ma possession, une vraie. Avec du recul j’ai compris leur sidération, quand on me connait un peu, quand on sait où j’habite et la manière dont je vis, on a du mal à imaginer que je puisse m’occuper d’une vache. Je dois leur donner raison quand à l’interprétation qu’elles ont faîtes de ma phrase, je n’ai pas de vache, j’ai inventé un personnage qui est une vache. Elle peuple, et tous les personnages que j’invente d’ailleurs, un lieu de désolation qui est en moi. Ils sont devenus une part de moi. La part manquante.