La puissance de l’espoir

Autant parler pour avouer mon sort :
Je n’ai rien mien, on m’a dépossédé
Et les chemins où je finirai mort
Je les parcours en esclave courbé ;
Seule ma peine est ma propriété :
Larmes, sueurs, et le plus dur effort.
Je ne suis plus qu’un objet de pitié
Sinon de honte aux yeux d’un monde fort.


J’ai de manger et de boire l’envie
Autant qu’un autre à en perdre la tête ;
J’ai de dormir l’ardente nostalgie :
Dans la chaleur, sans fin, comme une bête.
Je dors trop peu, ne fais jamais la fête.
Jamais ne baise une femme jolie ;
Pourtant mon cœur vide, point ne s’arrête,
Malgré douleur mon cœur point ne dévie.


J’aurais pu vivre, ivre de mon caprice.
L’aurore en moi pouvait creuser son nid
Et rayonner subtile et protectrice,
Sur mes semblables qui auraient fleuri.
N’ayez pitié, si vous avez choisi
D’être bornés et d’être sans justice :
Un jour viendra où je serai parmi
Les constructeurs d’un vivant édifice,
La foule immense où l’homme est un ami.

Paul Éluard, La puissance de l’espoir, Tout dire, 1951

Une bonne personne


Dans la cour de récréation de l’IME, un adolescent très énervé parle à un aide-soignant. Il ne l’agresse pas, il lui confit sa colère, je n’en connais pas le motif. Un peu plus loin un éducateur intervient, il lui demande de ne pas se « donner en spectacle » et d’aller voir « la bonne personne » (dans l’esprit de l’éducateur, il s’agit du psychologue).

Le jeune se retourne vers lui et tout en lui faisant un geste inamical lui baragouine quelques mots que je ne comprends pas. 

Le lendemain, je croise ce patient et je l’interroge sur l’incident, précisément sur ce qu’il a répondu à l’éducateur. Au début il est rétif à reparler de l’événement, il croyait sans doute que j’allais aussi lui reprocher son attitude, je reformule donc ma question de manière à ce qu’il sente bien qu’il n’est pas question de le blâmer.

Le jeune me lance alors : « L’éduc a dit que Marcel n’était la bonne personne, c’est pas vrai, j’ai confiance en lui, c’est une bonne personne ».