232. Jean-Pierre HUMBLOT 1940-2003

Je viens de découvrir le site internet dédié à la mémoire de Jean-Pierre Humblot, assassiné en 2003, victime d’un crime homophobe. L’auteur du blog est en attente de témoignages de personnes qui on « croisé sa route », ça a été mon cas;

Bonjour,

J’ai croisé la route de Jean-Pierre Humblot plusieurs fois par jour pendant plusieurs années, c’était dans les allées de la pépinière et dans les rues du faubourg des trois-maisons, à Nancy. J’étais lycéen, il m’intriguait avec ses tenues décalées et son « maquillage » qui ne l’était pas moins. Je le prenais pour un fou. Il me faisait un peu peur. Je ne lui ai jamais parlé, je ne sais même pas si nos regards se sont croisés. J’étais plutôt du genre à changer de direction quand je le voyais arriver en face de moi. Il avait un look très efféminé. Il était souvent affublé d’un petit sac à main, d’un chapeau de femme qui couvrait ses cheveux mi-longs. Il portait aussi une chemise entrouverte sur son torse nu, les boutons de manchette défaits, un short moulant et des chaussures à talons hauts. Je me souviens aussi de sa peau peinturlurée sur le visage et sur les mains de cercles rouges. Dans mon souvenir, c’était il y a plus de trente ans, il mettait aussi parfois un long manteau de fourrure entrouvert et des lunettes comme portent les stars sur la croisette et marchait en se déhanchant avec un éternel sourire au coin des lèvres. Je ne l’ai jamais vu que se déplaçant seul. Quand j’ai appris qu’il avait été assassiné, j’ai éprouvé de la tristesse. Le temps avait passé ainsi que ma bêtise et j’avais compris qu’il n’était pas fou mais libre, incroyablement libre, IN SU POR TA BLE MENT libre pour ses assassins. Je comprends votre volonté qu’on ne l’oublie pas. Adolescent, j’ai tout fais pour l’éviter mais hier j’avais envie d’inscrire son nom sur une pancarte et de la brandir à l’occasion d’une manifestation contre la transphobie à Nantes. Je n’en ai pas eu le courage, peut-être aurais-je eu connaissance plus tôt de votre blog que je l’aurais fait. C’est la première fois que je participais à un tel rassemblement, j’ai été sensibilisé à la cause des transsexuels cette semaine en visionnant le film de Xavier Dolan, Laurence Anyways, et j’ai voulu leur apporter mon soutien par ma présence. L’instant le plus émouvant pour moi aura été le moment annonçant la clôture de cette réunion. Les derniers mots de l’animateur au mégaphone ont été « Surtout, prenez soin de vous, ne repartez pas seuls ». Je me suis tourné vers ma voisine, les yeux écarquillés et je lui ai demandé, incrédule, « Il plaisante là?! », elle me répond, « Non, pas du tout, il y a parfois des gens qui attendent que nous nous dispersions pour venir nous emmerder. » Je suis tombé des nues, je lui rétorque alors en lui montrant du doigt le défilé continu des passants en ce samedi après-midi ensoleillé, « Mais… mais… mais regarde, c’est samedi après-midi, le centre-ville de Nantes… », elle me regarde en haussant les épaules et ajoute, « Ça ne les arrête pas ». Quelle tristesse! Mais quelle tristesse! Pourquoi les Hommes sont-ils effrayés par la liberté? Je ne connais pas la réponse. J’apprends aujourd’hui même que l’église protestante unie de France vient d’accepter de bénir les couples homosexuels, la peur recule, il y a de l’espoir! La prochaine fois que je me rendrai à un tel événement, je brandirai une pancarte avec inscrit dessus, Jean-Pierre HUMBLOT 1940-2003, ça sera ma manière de crier, « Vive la liberté! ».

De tout cœur avec vous.

http://www.jeanpierrehumblot.fr/accueil.htm