Naïla

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Manara, Toile indienne

Au sommet de la montagne, une femme prie,
Alors que ses semblables vainement s’agitent
À vouloir amasser de l’argent au plus vite.
Ce qui procure du bonheur n’a pas de prix.

Nul bien matériel ne peut contenter l’esprit,
La beauté y est également en faillite,
Seul celui qui n’évite pas l’amour lévite.
Elle a décidé de lui consacré sa vie.

Elle en est folle, c’est dit-elle, son seigneur.
Elle lui déclare son amoureuse ardeur
Dans des poèmes d’une rare intensité.

« C’est une aliénée ! » affirment les bien-pensants,
Elle est libre, sans rivage est son océan,
L’amour ne se trouve que dans la liberté*.

*“L’amour ne se trouve que dans la liberté, et ce n’est qu’en elle qu’il y a de la récréation et de l’amusement éternel”

Soëren Kierkegaard

https://ocanocean.wordpress.com/author/ocanocean/

363. Debout nos ombres nous dépassent

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Je suis debout de vous tenir
c’est de vous porter qui me porte

Je m’empresse de reproduire ici cette poésie de Thomas Vinau qu’il vient de publier ici. C’est à la fois sobre et intense, tout ce que j’aime en poésie, comment ne pas penser à Guillevic en lisant cette petite merveille ? C’est en écrivant sur le blog de Thomas que m’est venu l’envie de créer Comme un cheveu, je l’explique ici, il en est un peu le parrain avec Stéphane Chabrière de Beauty will save the world. Merci à eux ainsi qu’à ceux qui écrivent et publient de la poésie, elle me porte et m’emporte.

365. Mamie

Toile de Caroline Lord (artiste américaine, 1860-1927)
Toile de Caroline Lord (artiste américaine, 1860-1927)

Les samedi matin ma grand-mère écrivait
Elle s’installait sur la table de la cuisine
Je la regardais sans qu’elle ne le devine
Autour d’elle et en elle tout paraissait quiet

C’était plaisant de la sentir ainsi en paix
Bien souvent je déplorais son humeur chagrine
Je crois désormais en connaître l’origine
Elle a perdu brutalement un garconnet

La mort d’un enfant c’est difficile à admettre
Dans l’écriture elle le retrouvait peut-être
Elle était comme ailleurs et je n’en souffrais pas

La voir aussi sereine était comme un mirage
Je conserve au fond de moi gravée cette image
En écrivant ces mots je la serre dans mes bras

Tueur en série

Gilles de Rais par VengatorBlaze
Gilles de Rais par VengatorBlaze

Gilles de Rais était seigneur de Machecoul,
Compagnon de Jeanne d’Arc, Maréchal de France,
Et reconnu coupable d’atroces souffrances
(Des mômes il en tortura et tua beaucoup).

Il fut en parti brulé, une corde au cou,
Puis lavé et enterré selon sa convenance,
Ses complices n’avaient pas la même influence
Aussi leur cadavre consuma jusqu’au bout.

La déférence envers ce criminel perdure,
Des minutes du procès certain n’en n’ont cure,
Ils parlent d’iniquité, évoquent un complot.

Une association porte son patronyme,
Ils marchent sur la mémoire de ses victimes,
Peu leur importe pourvu qu’il aient un héros.

363. Les mots miraculeux

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« Je ne suis pas croyant, je n’adore aucun Dieu »
« Je raffole de la poésie des mystiques »
Si ces affirmations paraissent antinomiques
Je déclare pourtant me réclamer des deux

Que ces poètes soient dévots n’est pas l’enjeu
Quoi qu’il en soit de leurs religieuses pratiques
Leurs vers créent en moi le même effet féérique
Que ceux de versificateurs nullement pieux

Leur verbe est celui de la passion amoureuse
Ce sentiment puissant qui rends la vie heureuse
C’est l’amour qui est leur religion et leur foi*

La beauté des mots que leur souffle leur démiurge
Dans mon esprit ont le pouvoir d’un thaumaturge
Ils me font passer de la tristesse à la joie

Photo, Prune

*Djalâl ad-Dîne Rûmi, (1207-1273), le poète soufi, «L’amour est ma Religion et ma Foi. »

362. Barbara

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Je me souviens, elle s’appelait Barbara,
Nous étions camarades à l’école primaire,
Tout au fond de la classe j’étais en galère ;
Les mathématiques c’était du charabia.

L’orthographe et la grammaire n’en parlons pas !
Il n’y a qu’en sport que je me tirais d’affaire.
L’instit me foutait des coups de pieds au derrière
J’étais devenu aux yeux des autres un paria.

Sauf pour elle qui était la meilleure élève,
Un jour il m’a giflé car j’étais dans mes rêves,
C’était si violent que j’en suis resté groggy.

De la craie recouvrait ma joue jusqu’à l’oreille,
Ça faisait le bruit d’un bourdonnement d’abeille,
Quand j’ai repris mes esprits, elle m’a souri.

Illustration, Albert Anker, 1865

361. De l’amour dans l’air

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Un jour que mon humeur était au moche fixe
C’est présenté « Haine de moi / Me tend les bras »
C’était contre moi que je menais un combat
Heureusement, j’ai survécu à cette rixe

Si la potion magique de Panoramix
Permet aux gaulois de sortir d’un mauvais pas
Ces huit pieds qui sont venus à ce moment-là
M’ont permis de renaître à l’instar d’un phénix

Ça n’est pas du Rimbaud mais ils ont leur beauté
C’est grâce à elle que je me suis épargné
Je ne me crois pas pour autant tiré d’affaire

Bien des fois je me taperais contre les murs
Si ne venait à moi ce délicieux murmure
Entre nous deux il y a de l’amour dans l’air

Gustave Courbet, Le déséspéré

360. Ma réalité

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Ma réalité
Tu m’obliges à te trouver
Vois tous mes efforts!

Je deviens fou à essayer
De t’unir à mes jours atroces*

*Francis Giauque

amour que je ne peux chanter
toi mon linceul et ma proie d’ombre
mon havre de détresse
mon rivage d’amertume
ma prison
ma nuit
mon soleil dévasté
amour prisonnier
des tentacules de l’angoisse
je deviens fou à essayer
de t’unir à mes jours atroces

Illustration, Van Gogh, Autoportrait

Je ne suis pas un héraut

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Je ne comprends pas bien ces histoires d’écus
Comme me sont étrangères celles de fasces.
Sur Héraldie il vaudrait mieux que je m’y fasse
Si je ne veux pas y être mangé tout cru.

Comme une belle pomme de gueule le fût
Par un ours de sable à l’appétit vorace.
Le plantigrade n’a pas eu besoin d’échasses
Pour prendre dans ses crocs l’ancien fruit défendu ;

Il s’est redressé sur ses pattes de derrières.
Un jeune seigneur aux velléités guerrières
Fit de cette scène un blason pour son drapeau.

Il y incorpora une simple bordure
Chargée de sept étoiles sur un fond d’azur…
Bon, c’en est assez, je ne suis pas un héraut !

Vocabulaire héraldique;

Ecu = support physique du blason

Fasces = Espace entre deux lignes

De gueule = Rouge

D’azur = Bleu

358. L’adoration des bergers

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Au dernier étage d’un immeuble bourgeois,
Une de ces journée glaciale de décembre
Pendant laquelle le froid engourdit les membres
Un homme se réchauffe auprès d’un feu de bois

Au coeur de la fournaise les flammes rougeoient
Elles prennent en s’en éloignant une couleur ambre
De celle d’un tableau accroché dans sa chambre
La tendresse et le recueillement s’y côtoient

La scène est vieille d’un peu plus de deux milles ans
Dans une étable un poupon dort paisiblement
Sous le regard de cinq personnes et d’une bête

Subjuguées par la présence du nouveau-né
Qu’ils croient être le sauveur de l’humanité
Il porte le nom de Jésus de Nazareth

Georges de la Tour, L’adoration des bergers