292. Le mariage d’Esther Ling

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Sous un sapin de Chine, Esther Ling est pensive
Elle s’unit avec la femme de sa vie ;
Sentiment mêlé de joie et de nostalgie,
Ses parents sont absents, ils sont sur l’autre rive.

Ça fait longtemps déjà, mais la douleur est vive,
Reste son enfant, son amante et ses amis.
Ses aïeuls ont été tués par les nazis
Pour la raison qu’ils étaient de confession juive.

Pour soigner ses blessures, elle se voue à l’art,
Sa musique est douce, ses poèmes sans fards.
D’un horizon ténébreux, ils sont l’arc-en-ciel.

Dans quelques minutes, elle rejoindra sa belle
Dans leur jardin d’amour, elle sera pour elle
L’épousée aux lèvres distillant lait et miel**.

* Fruit de mon imagination
**Cantique des cantiques

La suite de la journée par ici, cardiaques s’abstenir!

A night

291. Une patte dans l’encrier*

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Un chat chemine dans l’atelier d’un artiste
L’homme colorie à l’encre de Chine un damier
Il s’échine à ne pas dépasser des carrés
Près du bureau, le matou joue l’équilibriste

Mais arrive le moment où c’est la sortie de piste
Badaboum! Impossible de se rattraper
Le félin trempe sa patte dans l’encrier
Et imprime le quadrillage du graphiste

Les traces des coussinets noircissent des cases
Il croit devoir tout recommencer, ça le rase
« Saleté de bestiole! » crie-il furibard

Une fois calmé, le motif lui paraît beau
Des marques accidentelles, il en fait son tableau
La création a toujours besoin de hasard**

*https://1pattedanslencrier.wordpress.com
**Jacques Godbout

290. Au confusionnal

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Cunilugus à poils blancs répondant au doux nom de Skrub.

Un lapin imprudent s’aventure au couvent,
Une nonne charnue parvient à l’attraper,
Le met à mijoter et s’en fait un dîner,
Lisant Saint François elle est prise d’un tourment.

Dans le confessionnal, la femme se repens ;
« Une créature à poils, divine, est passée,
Je l’ai prise par la fourrure avec doigté
Père, j’ai goûté à sa chair, quel jugement? »

« Péché de luxure » s’exclame l’homme pieux
Il faut exorciser après un tel aveu
Vade retro Satan, sort de ce corps impur! »

La soeur; « Mais je n’ai mangé qu’un cunilugus! »
Le prêtre; « Oups! Ça n’était pas un cunillungus… »
Avant de statuer, il vaut mieux être sûr

289. Ne me quittez pas

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J’ai peur de l’absence, que les mots disparaissent
Si ils m’abandonnent mon esprit part avec
Alors la folie fera de moi du bifteck
De la viande à pourrir tout au fond d’une caisse

Venez mots salvateurs, regardez ma détresse!
Ayez pitié de moi quand mon cœur est à sec
Ou je finirais comme le pauvre Sénèque
Soyez ma lumière dans ce puits de tristesse

Voyez les beaux écrins que j’ai choisi pour vous
Des lettres, des odes, des sonnets, des haïkus
Des calligrammes, des nouvelles, des tankas…

Je vous ai chuchoté à l’oreille des filles
Couché sur des plages ensoleillées aux Antilles
Je ferai tout pour que vous ne me quittiez pas

288. Miroir, Ô mon mirage…

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Oh! Qu’ils sont beaux les poèmes d’Arthur Rimbaud!
« C’est un trou de verdure où chante une rivière »*
Que j’aimerais être l’artisan d’un tel vers!
Les « like » fleuriraient en guise de bravos

Des divas se jetteraient devant ma clio
Justes habillées de bas et de jarretières
Pour toucher mon corps, arracheraient les portières
Les académiciens tireraient leurs chapeaux

On me reconnaîtrait même en Éthiopie
Pour autant serais-je satisfait de ma vie
À ne me voir que dans ce déformant miroir?

La notoriété ne garde pas de la peine
Voyez ce qui est arrivé à Kurt Kobain
Au cœur privé d’amour, c’est bien peu que la gloire**

*Arthur Rimbaud, Le dormeur du val
**Alfred de Vigny

Stromae, Carmen

287. L’albatros

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Enfin, j’ai dégoté un moment pour écrire !
Aujourd’hui ce sera un sonnet régulier,
Chaussé d’Alexandrins, de type Pelletier,
Tercets en ccd ede, c’est-à-dire.

User de contraintes s’avère un élixir,
Qui a pour mérite de noircir le papier,
De multiples histoires à l’aspect singulier ;
L’univers inconscient semble d’un coup s’ouvrir.

À peu y réfléchir, on jurerait l’inverse,
Qu’une règle, est pour la liberté une herse,
Il faut se préserver d’un jugement hâtif !

 J’ai trouvé une image à la fois juste et belle ;
L’albatros resterait cloué à son récif
Si l’air ne lui offrait résistance à ses ailes.

À moins que…

Stephen McMennamy
Stephen McMennamy

285. Tommaso Di Dio – Là où tu dors… (2014)

Évidence

Devant ton cul, pas
De questions existentielles
C’est pour moi qu’il est

BEAUTY WILL SAVE THE WORLD

Tommaso Di DioLà où tu dors. Tu es dans
un visage d’arbres, une nuit
grande. Quand tu dors
tu as toujours contre toi les rues ouvertes
lumière d’eau tremblante
ciel et bêtes si

je te touche tu respires. Je me demande
vers quoi nous porte notre
nature nue ; chose mystérieuse
et merveilleuse peau si

je te touche tu respires.

*

Dove dormi. Tu sei dentro
una faccia di alberi, una notte
grande. Quando dormi tu
addosso hai sempre le strade aperte
luce d’acqua mossa
cielo e bestie se
ti tocco respiri.

Mi chiedo
a cosa ci porta questa nostra
ignuda natura; una cosa arcana
e stupenda pelle se
ti tocco respiri.

***

Tommaso Di Dio (né à Milan, Italie en 1982) – La tienne et à tous (Tua e di tutti, 2014) – Traduit de l’italien par Joëlle Gardes

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