L’église souterraine

 

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Lu hier soir, l’histoire d’un arménien qui a creusé un labyrinthe sous sa maison pendant vingt-trois ans avant de mourir d’une crise cardiaque à soixante sept ans. Il travaillait dix sept heures par jour, le reste de la journée il la passait à manger et à dormir avant de retourner « en hâte », dixit son épouse, à son oeuvre. Il a réalisé des caves et des galeries sur une surface de 280 m2, dans une pierre très dure pendant dix ans, du basalte, avant de trouver une matière plus tendre et tout cela avec des outils manuels. J’oubliais, on y trouve également des décorations qu’il a taillées à même la roche.

Sa femme rapporte également que son activité générait quelques conflits entre eux « Je me suis beaucoup disputée avec lui, mais il était devenu obsédé par son objectif. », ce dont je ne doute pas, par contre, un peu plus loin elle ajoute qu’il se disait « guidé par le ciel », ce qui m’étonnerait beaucoup car comment pouvait-t’il voir la position des étoiles à vingt mètres sous terre !?

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Blague à part, cette activité avait quelque chose de hautement spirituelle pour lui, il explique qu’il avait eu quelque temps avant de ce lancer dans cet ouvrage une sorte de révélation, un fantome serait venu le voir et lui aurait dit : « You have an important job to do, you will live 96 years and images will appear in your eyes during those years that you need to repeat exactly.’*

« Vous avez un travail important à faire, vous vivrez 96 ans et des images apparaitrons dans vos yeux pendant des années, vous devrez les répéter exactement. »

Il explique également combien cet espace était précieux pour lui ;

« I do not want to go out from here; this seems to be like my space, my spiritual life that is fully separate from the secular world and its problems. » *

« Je ne veux pas sortir d’ici ; ceci semble être comme mon espace, ma vie spirituelle qui est entièrement séparée du monde laïque et de ses problèmes. »

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Mais quel est le genre de problèmes qui se posent aux hommes dans un espace séculier et qui ne se posent plus dans un lieu spirituel ? Le prix du pain qui augmente ? Un conseiller de l’Elysée qui se croit au dessus des lois ? Les actes racistes qui ne font qu’augmenter et particulièrement en Italie ? Poutine qui a réemprisonné les militants pour la liberté d’expression en Russie qui s’étaient introduits sur le terrain pendant la finale de la coupe du monde à peine étaient t’ils libérés de la peine maximale qu’ils encouraient pour ce geste ? Peut-être, mais je crois surtout que les hommes souffrent ne pas y être en contact avec le ciel.

PS :  C’est moi qui ai fait les traductions

*http://www.armeniapedia.org/wiki/Lyova_Arakelyan

À lui m’aime ?

À la faveur d’une discussion, je me suis demandé si il existait des activités désintéressées, j’entends par là des activités que l’on fait pour les autres sans attendre quelque chose en retour.

Qu’il y en ai pour ce qui est de l’attente d’un bénéfice matériel, je n’en doute pas, mais parmi celles-là, y en a t’il dont on n’attend pas non plus de bénéfice immatériel ?

J’ai visité récemment les Hospices civils de Beaune, cet hôpital qui a été créé au 15 ème siècles par un notable en quête de reconnaissance divine, il craignait le moment du jugement dernier et incitait les patients qui fréquentaient son établissement, essentiellement des pauvres qui n’avaient pas les moyens de se soigner, à le craindre aussi ; il avait fait peindre un tableau en deux parties, qui se referme, et qui représente cette scène, il la donnait à voir à tous le dimanche.

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Le jugement dernier de ROGIER VAN DER WEYDEN, détail.

On trouve ce genre de représentation dans beaucoup de lieux religieux, catholiques en tout cas. Bref, on peut penser que l’altruisme n’est pas désintéressé dans ce cas-là, le but étant d’obtenir une place au paradis.

Reste ceux qui sont altruistes et qui ne croient ni au paradis ni à l’enfer. Que cherchent-ils à obtenir ? Rien ? Je ne crois pas, ils éprouvent du plaisir à soulager les autres de leur maux. Je compare ce plaisir à celui que j’ai lorsque j’écris.

Magritte a peint une toile qu’il a appelé « Le poète récompensé ».

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 On y voit un personnage de dos qui regarde un coucher de soleil sur la mer, et la couleur rougeoyante, chaleureuse du couchant le traverse au niveau de la poitrine, dans la région du coeur. Voilà qui ressemble à s’y méprendre à un phénomène que relate Sainte Thérèse d’Avila dans ses écrits : 

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La transverberation de Sainte Thérèse D’avila, Gian Lorenzo Bernini

« J’ai vu dans sa main une longue lance d’or, à la pointe de laquelle on aurait cru qu’il y avait un petit feu. Il m’a semblé qu’on la faisait entrer de temps en temps dans mon cœur et qu’elle me perçait jusqu’au fond des entrailles; quand il l’a retirée, il m’a semblé qu’elle les retirait aussi et me laissait toute en feu avec un grand amour de Dieu. La douleur était si grande qu’elle me faisait gémir; et pourtant la douceur de cette douleur excessive était telle, qu’il m’était impossible de vouloir en être débarrassée. L’âme n’est satisfaite en un tel moment que par Dieu et lui seul. La douleur n’est pas physique, mais spirituelle, même si le corps y a sa part. C’est une si douce caresse d’amour qui se fait alors entre l’âme et Dieu, que je prie Dieu dans Sa bonté de la faire éprouver à celui qui peut croire que je mens. ».*

Il s’agit d’une transverbération, terme emprunté au latin transverberare « transpercer », et signifiant traverser de part en part), c’est un phénomène mystique rarement mentionné et qui relève de la tradition catholique. Ce terme désigne le transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé (d’amour).**

Dans le cas du poète comme dans celui de la religieuse on constate que le transpercement se traduit par une sensation de bien-être, j’allais préciser « corporelle », mais c’eut été un pléonasme.

Mais si on peut concevoir que la religieuse est récompensée de l’amour qu’elle porte à un autre qui est Dieu, de quoi est récompensé le poète, à qui prête t’il attention sinon à lui-même ? À lui m’aime ?

*Autobiographie de Sainte Thérèse d’Avila, Chapitre XXIX, paragraphe 17

**https://fr.wikipedia.org/wiki/Transverbération

Dupanloup et la pompière

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Composition Cochonfusius

L’Abbé Dupanloup dort quand sonne le tocsin
Qui prévient que le feu dévore la Mairie.
L’entendant il se lève et court sur la voirie
Sans même prendre soin d’habiller son bassin.

À la vue du brasier il en appelle aux Saints,
Au seigneur Jésus, à la vierge Marie,
Mais sa prière échoue et sur des armoiries
L’incendie continue son travail assassin.

Il en faut moins que ça à ce fou d’Héraldie
Pour passer à deux doigts du péché d’acédie ;
L’homme s’écrit : « Eloï, lamma sabachtani*.

Il regagne en vigueur grâce à une pompière
Que son appendice ne laisse pas de pierre,
Et qui se délecte des sucettes à l’anis.

*Cri de détresse et de désespoir, poussé par Jésus sur la croix ; rapporté par deux évangiles, qui en donnent en même temps la traduction : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mr 15:34, Mt 27:46).

https://topbible.topchretien.com/dictionnaire/eloi-lamma-sabachtani/

Liberté chérie

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« Comme un cheveu » n’est pas qu’un blog de poésie. Il m’arrive parfois aussi d’écrire des billets d’humeur et parmi eux certains concernent le traitement que l’on réserve actuellement aux personnes handicapées mentales, auxquels j’inclus les personnes que l’on dit « autiste », et particulièrement les enfants.

Pour faire très court, je dénonce le harcèlement éducatif en vigueur.

Je me rend compte à quel point ce problème m’importe à ma réaction de plaisir quand je constate que certains des articles que j’ai publié à ce sujet sont lus et parfois favorablement appréciés et parfois même partagés. Je crois même qu’il m’importe plus que ce soit ces écrits-là qui soient lus que mes poèmes.

Je m’étonne un peu de cela ce soir. Ça me fait plaisir quand on m’identifie comme quelqu’un qui écrit, je porte cette activité très haut dans mon coeur, j’ai un rapport très proche avec elle. Je sais l’importance de la littérature, je sais qu’il suffit de quelques mots joliment agencés pour que j’éprouve quelque chose qui est de l’ordre de la joie. Par exemple aujourd’hui j’ai relu ces vers ;

Sois libre pour manger, boire, faire l’amour et dormir !
Confronte-toi avec l’univers !

Jamais je ne plierai mon tourment intérieur à ramper
et servir le fondement des pouvoirs briseurs d’os.

Attila Jószef
Ars Poética 1934

C’est la dernière phrase qui m’a le plus touché. En y réfléchissant, j’ai pensé que ça m’aurait convenu aussi que le poète magyar parle non pas « des pouvoirs… » mais « du pouvoir… », qu’il utilise le singulier plutôt que le pluriel parce que j’identifie « le pouvoir briseur d’os » à quelque chose qui est le contraire de la liberté.

C’est le pouvoir de ceux qui veulent empêcher les autres de s’exprimer, d’aimer les personnes du même sexe, de rire des religions comme du reste, mais c’est aussi le pouvoir de ceux qui empêchent des enfants à passer des heures à regarder les feuilles des arbres bouger dans le vent, de jeter des cailloux dans les flaques d’eau pendant autant de temps, de tourner les mêmes pages des mêmes livres, pour voir les mêmes images, mille fois et plus encore, de pousser des petits cris pointus sans que les autres comprennent pourquoi ils le font, de mettre leurs mains sur leurs oreilles pour entendre la mer, ou de les remuer frénétiquement devant leurs yeux, c’est le pouvoir de la société actuelle qui brisent des enfants parce qu’ils ne se comportent pas comme les autres.

Mirabelle joue un tour

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Contre-Pied-Le monde

Sous la canicule, au milieu de Juillet,
Une caravane composée de voitures
Distribue des gadgets de mauvaise facture
À des férus du tour à l’accent marseillais.

L’un d’entre-eux, imbibé de rhum blanc antillais
Voyant Mirabelle derrière une clôture
Paisiblement brouter, malgré la conjoncture,
La rejoint sans un bruit et en marchant de biais.

Arrivé à hauteur, il chevauche la vache,
Et se sert d’un bâton comme d’une cravache
Afin de la contraindre à suivre les coureurs.

Mais plutôt que d’aller galoper sur la route,
La ruminante rue jusqu’à ce qu’il se croûte
Le nez dans une bouse à l’écoeurante odeur.