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Peinture du 17e siècle

 

Je vais annoncer tout de suite la couleur,
Ce sonnet est un poème publicitaire.
Il vous en fera lire un autre, je l’espère,
Qui vous procurera sans doute du bonheur.

Si je m’évertue à être son souteneur,
C’est qu’il est long et qu’il finit au cimetière.
Une troisième chose pourrait vous déplaire,
Une grenouille de bénitier en est l’auteur.

Prenez de la hauteur si cela vous embête,
À ce niveau ne s’arrête pas un esthète ;
La beauté est sa seule préoccupation.

Pour sa longueur et vos larmes éventuelles,
Les toilettes offrent temps et papier à la pelle,
Attention cependant à la suffocation !

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CORTEGE POUR L’ENFANT MORT

L’enfant frêle qui m’était né,
Tantot nous l’avons promené

L’avons sorti de la maison
Au gai soleil de la saison ;

L’avons conduit en mai nouveau,
Le long des champs joyeux et beaux

Au bourg avec tous nos amis,
L’avons porté tout endormi…

Mais en vain le long du chemin
Ont sonné les cloches, en vain,

Tant il était ensommeillé,
Tant qu’il ne s’est pas réveillé,

Au milieu des gens amassés,
Quand sur la place il a passé.

D’autres que moi, cet aujourd’hui,
A l’église ont pris soin de lui.

C’est le bedeau qui l’a bordé
Dans son drap blanc d’argent brodé.

C’est le curé qui l’a chanté
Avec ses chantres à coté

C’est le dernier qui l’a touché,
Le fossoyeur qui l’a couché

Dans un berceau très creux, très bas,
Pour que le vent n’y souffle pas

Et jeté la terre sur lui
Pour le couvrir pendant la nuit

Pour lui ce que chacun pouvait,
Tant qu’il a pu, chacun l’a fait

Pour le bercer, le bénir bien
Et le cacher au mal qui vient.

Chacun l’a fait… Et maintenant
Chacun le laisse au mal venant

Allez-vous en ! Allez-vous en !
La sombre heure arrive à présent.

Le soir tombe, allez ! partez tous !
Vos petits ont besoin de vous.

Rentrez chez vous et grand merci !…
Mais il faut que je reste ici.

Avec le mien j’attends le soir,
J’attends le froid, j’attends le noir.

Car j’ai peur que ce lit profond
Ne soit pas sûr, ne soit pas bon.

Et j’attends dans l’ombre, j’attends
Pour savoir… s’il pleure dedans…

Seigneur vous êtes Dieu, moi rien
Je le dis bien, je le sais bien

C’est votre droit de tout puissant
De m’ôter la chair et le sang

C’est votre droit d’avoir raison
Dans le malheur de ma maison

Votre droit, Ô vous le plus fort
De condamner nos fils à mort

Vous êtes Dieu, vous êtes bon
Vous l’êtes mais mon sang dis non

Vous l’êtes, pour le dire mieux
Je le dis en fermant les yeux

Je le dis, mais si loin, si bas
Que mon âme ne m’entends pas

Je le dis, mais le coeur que j’eu
Pour y croire je ne l’ai plus

Les mains que je fiais à vous
Quelqu’un me les trancha d’un coup

Les yeux que je tenais levé
Vers vous, quelqu’un les a crevé

Si c’est un homme qui m’a fait
Tant de mal, tant, et dors en paix

Si c’est un homme, sous ses coups
J’irai chercher asile en vous

Et vous me vengerez Dieu saint
Si c’est un homme, un assassin

Si c’est vous que dirais-je ? Rien,
En vous seigneur le mal est bien.

Ô vous par qui la vie est peine
Et mal, et mort, je crois très bas
À la bonté haute, inhumaine,
Terrible, qu’on ne comprend pas

Poème de Marie-Noël, poétesse d’Auxerre décédée en 1967 – extrait de son « Office pour l’enfant mort » aux Editions Stock

Il se peut qu’il y ai quelques erreurs dans le texte car j’ai recopié sa seconde partie qui s’arrête dans les retranscriptions sur internet à « Pour savoir…s’il pleure dedans… », à partir d’un superbe enregistrement de Madeleine Robinson que vous retrouverez à partir 9’21 ici.

http://www.ina.fr/video/CPF08008601/marie-noel-video.html

Une publicité (Une vrai !) précède sa diffusion, soyez patient, ça en vaut vraiment la peine, vous ne le regretterez pas. Profitez de cet écran publicitaire pour faire une pause pipi !

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