132. Psy 4 et fin

Le lendemain après-midi, Vincent est réveillé par des tambourinements qui se font de plus en plus bruyants à la porte de sa chambre. L’esprit encore tout embrumé, il se lève péniblement de son lit, prenant appui sur une chaise qui lui sert de table de chevet. Derrière la porte on l’appelle,

– Vincent! Vincent! Allez, ouvre maintenant! Allez, ouvre! Ouvre, sinon je me sers de ma clef!

Vincent à voix très basse, la bouche pâteuse, répond,

– C’est bon, j’arrive.

Il franchit les trois mètres qui séparent son lit de la porte, tourne la clef dans la serrure et sans même qu’il ait à tirer dessus, la porte s’ouvre sous la pression du prêtre qu’il avait rencontré la veille dans le couloir qui mène aux toilettes. Celui-ci est excédé;

– Mais qu’est-ce que tu fais ? Ca fait dix minutes que je frappe à la…

Découvrant l’état de la chambre du jeune homme, le prêtre stupéfié, s’interrompt. Le sol est jonché de mégots de cigarettes, de cadavres de bouteilles de bière, l’évier est rempli de vaisselle sale baignant dans une eau brunâtre, le bureau est couvert de papiers chiffonnés, la poubelle déborde de peaux de bananes pourries et de pelures d’orange. Une odeur de tabac froid mêlée à celle de la bière remplie la pièce.
Le prêtre désignant les photocopies de l’autoportrait de Van Gogh recouvrant la fenêtre, s’écrie;

– Et ça ? C’est quoi ça ? Hein ? C’est quoi ? C’est quoi ?

Vincent reste silencieux.

– Mais répond! Réponds! C’est quoi ?

Sa colère monte encore d’un cran devant le mutisme de l’étudiant.

Il s’avance d’un pas décidé vers la fenêtre et arrache les autoportraits du peintre en vociférant,

– Mais c’est pas possible, regarde l’état de cette chambre, on t’a fais une faveur en te permettant de loger ici, voilà comment tu nous remercies! Tu sais, il y a plein de jeunes pleins de bonne volonté qui rêveraient de pouvoir venir étudier…

Vincent ne l’entends plus, il a arrêté de l’écouter à partir du moment où il a arraché le premier portrait du peintre. Il a sorti le couteau de son blouson et déverrouillé son cran d’arrêt. Il tiens le couteau des deux mains, le soulève vers le plafond et comme si il se servait d’une hache pour fendre du bois, il utilise tout son poids pour le planter dans le dos du prêtre tout occupé à détruire son œuvre. L’homme s’écroule sur le sol, Vincent extrait la lame de la chair sanguinolente et frappe de nouveau le corps du religieux allongé sur le sol, face contre terre. Il refait le geste une dizaine de fois. Vincent est couvert de sang. Une flaque rouge couvre le plancher de la petite chambre. Essoufflé par l’effort violent qu’il vient d’accomplir, l’étudiant reprends sa respiration. Il se redresse, fait le tour du cadavre et se penche une dernière fois vers lui pour lui trancher l’oreille droite. Il se redresse et brandit l’oreille et le couteau vers le ciel en signe de victoire et s’adresse à Saint Vincent en criant;

– VENGEANCE!.

Il décide alors de sortir de sa chambre et d’aller poursuivre sa chasse aux sbires de Saint Vincent. En passant devant le portrait du Saint qui lui avait semblé le menacer la veille, il le lacère rageusement avec la lame encore dégoulinante de sang de son couteau. Ensuite, il ouvre toutes les portes qui se présentent à lui, mais l’aile du bâtiment réservée aux étudiants est déserte en ce milieu d’après-midi de semaine. Il se dirige alors vers la partie de l’édifice dans laquelle sont hébergés les religieux. Au fond d’un long couloir, il aperçoit, installé à l’accueil de la maison des Lazaristes, Marco, un séminariste sud américains qui est hébergé par les prêtres contre de menus services, tel celui de tenir la réception. Marco le voit arriver couvert de sang, un couteau dans une main, une oreille dans l’autre. Il décroche le téléphone horrifié, et tente de composer le numéro de la police, mais Vincent le voyant faire se met à courir vers lui. Marco jette alors le combiné du téléphone, se lève de sa chaise et cours vers la sortie de la maison en appelant à l’aide. La lourde porte d’entrée lui résistant et voyant Vincent fondre sur lui, Marco se rue alors vers la chapelle, il y rentre en prenant soin de refermer la porte à clef derrière lui. Vincent qui est à ses pas tente de forcer l’entrée avec l’épaule, mais n’y parvenant pas, il se recule de quelques pas pour prendre son élan et d’un coup de pied chassé, tel qu’il avait appris à les faire dans ses cours de boxe française, il fait céder la serrure et rentre. La chapelle semble vide. Gardant la porte d’entrée qui est aussi la seule porte de sortie du lieu de culte, Vincent fouille la pièce du regard. On n’entend rien d’autre que le bruit des voitures qui circulent rue Sèvres. Les possibilités de se cacher ne sont pas nombreuses. L’étudiant s’allonge sur le sol pour voir si il ne pourrait pas découvrir ainsi les pieds de Marco. L’idée est bonne car en balayant du regard sous le confessionnal, il devine une paire de chaussures sous le rideau qui isole les pénitents. Silencieusement, il s’approche et d’un geste rapide pousse le rideau. Marco est recroquevillé dans le fond du confessionnal, se protégeant le visage de ses mains et suppliant Vincent de l’épargner, mais le jeune homme reste sourd à sa requête. Débordant de haine il assène de toutes ses forces, des coups de couteau dans le corps du séminariste. Celui-ci s’effondre en adressant une prière à Dieu.

Le double meurtrier accompli alors ce qui devient un rite, il lui tranche l’oreille droite et réitère sa célébration de victoire, les bras tendus vers le ciel avec son arme et son trophée dans les mains, il crie dans la chapelle impassible,

– VENGEANCE!

Il s’avance alors vers le centre de la pièce déserte et contemple les vitraux représentants Saint Vincent de Paul soignant les malades, recueillant dans la neige au pied d’une église un enfant abandonné enroulé dans une couverture… et puis son regard s’arrête sur un portrait du saint dont le regard lui semble lui exprimer du mépris pour ce qu’il vient de faire. Il envisage de le lacérer mais il est inatteignable car situé trop haut. Il cherche quelque chose pour se hisser à sa hauteur. En voyant des cierges allumés prêt de l’entrée de la chapelle, lui vient l’idée de l’incendier. Il va en chercher un et en profite pour récupérer des liasses de prospectus vantant l’intérêt du denier du culte ainsi qu’une pile de carnets de chant. Au pied du tableau, il enflamme les papiers. Au fur et à mesure que le feu prend de l’ampleur, il l’alimente avec des chaises dont l’assise est en paille. Le feu s’élance alors rapidement vers le tableau. La scène lui fait penser à un bûcher dont les flammes arriveraient maintenant au niveau de la tête du Saint. Le feu dévore le portrait et ses alentours, il se répand à grande vitesse partout dans la chapelle et finit par enflammer les reliques du Saint homme. Vincent jubile. A l’extérieur, la sirène des pompiers retentit.

14 réflexions sur “132. Psy 4 et fin

  1. Salut Vincent,
    « Je suis venu te dire que je m’en vais « , ……
    Eh, Oui !! Te laisse à tes groupies et à tes fans, apparemment incompatibilité d’humeur et barrage secrétaires très affairées sans doute !!
    Je ne commenterais donc plus tes propos, ici en tout cas, tu es chez Toi !!
    Seigneur en ta demeure !!
    Te laisse à la sirène des pompiers,….!! (cf. « Une Chatte sur un toit brûlant  » ), Et,
    « Pas de Préface à ma Sône,
    mes amis, attendez que je sois mort,
    car je moissonne encore
    dans mon pays
    par les jours et par les nuits …  » X.G, Amitiés à Marie,
    Bien cordialement à Toi, Salut, Et ‘Monarchie-Fraternité ‘,
    Salut, J.P.:!!!!

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      1. Je l’ai écrit Vincent dans l’un de mes articles: partout où les femmes sont humiliées, je me déplacerai.
        Le pire, c’est lorsque cette forme de lâcheté est le fait de poètes, censés rendre un peu de beauté au monde; au lieu de cela, ils sont si narcissiques qu’ils ne pensent qu’à leur jouissance éphémère, cette jouissance passant par le besoin de faire du mal pour certains.
        Le masochisme, la torture pathologique des femmes, la misogynie, doivent pouvoir trouver des réponses en forme de limites.
        Quant à ta dédicace perso, je m’en fous: les cadeaux empoisonnés font partie de la violence exercée à l’encontre des femmes. Et puis nous les femmes, ne sommes pas aveuglées par vos méthodes; nous ne sommes pas sans ignorer qu’un soit disant « cadeau » est toujours suivi de mots visant à détruire.
        Sauf que de destruction il n’y a pas: d’une part nous vous voyons venir de loin, et d’autre part, nous sommes aimés par des hommes qui aiment les femmes.
        Et cela change toute la donne. Cela permet à certaines, comme moi, de réparer. L’amour donne beaucoup de forces et rend indifférent à la haine.
        A bientôt, dès que l’image des femmes l’exigera.

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  2. Comme c’est bienveillant et chrétien en effet!
    Le plus amusant c’est cette idée de monarchie fraternelle. Pourquoi un roi docteur on ou no je ne sais plus comment Marie dit.
    Amusez-vous bien mais ne faites plus de détour chez moi auparavant.
    Les plaisanteries les plus courtes etc …..
    Et tachez de ne pas en saouler d’autres. Moi je m’en fous, mais d’autres personnes peuvent se révéler fragiles. Attention! J’aurais beaucoup alerté ici et chez moi.

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  3. Psy 1 et 2, moderato
    Psy 3, crescendo
    Psy 4, fortissimo…. difficile d’augmenter le tempo!!!!
    Je ne détermine toujours pas s’il s’agit d’un texte fantastique ou pas… on retrouve le vacillement des repères et la mise en crise du réel qui remettent en cause les certitudes de Vincent, jusqu’à son identité même! Mais la narration entretient le doute sur les potentiels signes fantastiques (les yeux du saint, la présence de van Gogh). L’étudiant n’est peut-être que la victime d’un délire de persécution…
    Alors, à suivre???

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